Les français.es sont snobs ? (Dé)construction d’un stéréotype qui a du sens

En m’expatriant en Italie, j’ai été confronté à un stéréotype sur les français.es que j’ai pris un peu plus à cœur que d’autres : le fait que nous aurions « la puzza sotto il naso », « la poussière sous le nez » ou pour le rendre plus explicite dans la langue de Molière, « on serait snobs ».  D’abord dans le rejet total d’une telle calomnie, je me suis finalement attardée sur certains comportements français qui peuvent expliquer pourquoi nous avons cette mauvaise réputation auprès des italien.ne.s…

Un préjugé qui a du vrai…

Je commence cet article par rétablir une vérité qui, même si elle fait mal, doit être dite : effectivement les français peuvent être snobs. Ou plutôt : peuvent sembler snobs de part une apparente « froideur ». En France, mise à part quelques exceptions dans les régions du sud, nous sommes généralement moins tactiles que les italien.ne.s et nous avons surtout moins tendance à sympathiser rapidement avec de parfait.e.s inconnu.e.s. En Italie, si je suis en train de patienter pour récupérer un colis à la Poste, il me semblera toute à fait normal de discuter de ce que j’ai cuisiné pour le déjeuner avec ma voisine de droite et de mes projets pour la soirée avec le voisin de gauche. Pour les français.es, il est généralement admis que dans la sphère publique, raconter sa vie aux passant.e.s est impolie et on réserve ce privilège à nos amis et famille, pour leur plus grand bonheur bien sûr.  Mais cela suffit-il à qualifier le français de « snob » ? Cette « froideur » initiale ne nous est pas exclusive et d’autres peuples ont cette caractéristique sans pour autant se voir attribuer ce qualificatif. Alors pourquoi nous et pas les autres ?

Les français.es, quel.le.s raleurs.euses !

Pour mieux comprendre pourquoi nous pouvons être perçu de manière peu sympathique au premier abord,  il faut s’attarder sur notre histoire et notre éducation. Tout d’abord, la France est considérée en Italie comme le pays de la naissance des droits de l’homme mais aussi celui de l’art de râler en permanence malgré l’acquisition de droits sociaux souvent plus avantageux qu’ailleurs. Ainsi, si nous nous lamentons d’une assurance chômage qui fonctionne mal ou d’une allocation logement insuffisante, nous oublions que ce privilège n’est pas une réalité partout. Ces aides que je considère normales sont vues comme un luxe par de nombr.eux.euses italien.ne.s qui ne vont pas apprécier qu’on puisse s’en lamenter. Si je suis fière de cette culture du « jamais content » qui nous amène à manifester lorsqu’on s’attaque à nos droits, je comprends que vu d’ailleurs elle puisse susciter une certaine incompréhension et que cela contribue à notre image d’enfant gâté.

Une culture du « oui mais »

Un autre aspect important, lié à notre éducation comme à notre environnement contribue à notre réputation de « snob » : notre tendance au discours en « oui mais ». Je m’explique : Nous grandissons dans une société qui aime le débat. Qu’il soit philosophique, politique ou simplement pour discuter de la chocolatine vs pain au chocolat, nous aimons débattre. Ainsi, en France, si votre chef vous demande « comment s’est déroulé votre présentation en réunion ? » et que vous répondez « merveilleusement bien », il vous prendra pour un ahuri naïf qui n’a rien compris. Si vous lui répondez « Ca a été mais je dois encore améliorer cet angle-ci, ce détail-là », il se dira que vous êtes un visionnaire qui a de l’avenir.

Le verre à moitié vide contre le verre à moitié plein

Nous sommes habitué.e.s, dès l’enfance, à faire preuve d’une grande autocritique dans tout ce que nous faisons. A l’école, avec un système de notation sur 20 ou il est déjà miraculeux d’obtenir un 14, nous sommes conditionné à croire que le parfait n’existe pas. En société, nous pensons montrer notre intelligence par notre capacité à remettre en question les idées exprimées par nos interlocuteurs.trices. En Italie au contraire, il m’a très souvent semblé que nous étions dans une culture plus « romantique » ou l’aspect positif, le beau, est noté en priorité. Ainsi, j’ai eu la surprise de constater lors de réunions d’équipe, qu’il était très difficile pour les employé.e.s d’émettre des critiques sur l’organisation ou les conditions de travail. La ou les français.es auraient été intarissables en commentaires et anecdotes pour se plaindre d’un quotidien inacceptable, il était difficile pour le chef de soutirer ne serais ce qu’une suggestion de changement à ses salarié.e.s. Je ne sous-entends pas que les italien.ne.s sont incapables d’esprit critique mais ils ne l’expriment pas à la manière virulente des français. Il faut déployer tout son tact et sa diplomatie avant d’emettre une opinion divergente à un.e italien.ne, ce qui peut être compliqué lorsque nous sommes habitué à une confrontation plus raide. Mais il ne faut pas se méprendre, une tendance à la critique facile ne nous rend pas moins susceptible si l’on s’attaque à nos faiblesses !

Snobisme ou peur de la médiocrité ?

Notre pseudo snobisme cache en réalité une vraie peur de ne pas être à la hauteur. Prenons pour exemple le simple fait de parler anglais : la règle d’or du touriste français semble être « je parlerais uniquement en français quel que soit le pays du monde ou je me rendrais, à vous de vous adapter». Une règle que l’on doit pourtant traduire par : « ayant été traumatisé.e à l’école par des enseignant.e.s me faisant copier 500 fois mes verbes irréguliers, je me suis considéré.e à tout jamais comme inapte à me faire comprendre dans une autre langue que la mienne et je veux vous éviter ce piteux spectacle ». Si nous ne parlons pas anglais, ce n’est pas dans un esprit néo-colonialiste ou l’on attendrait d’être reçu comme chez soi partout où l’on va mais  plutôt par peur du ridicule. J’ai moi-même toujours considérée être incapable d’apprendre des langues et il a fallu que j’aille vivre d’abord au Liban puis en Italie pour me rendre compte que c’était faux. Au début incapable de faire une phrase sans y penser pendant une demi-heure, aujourd’hui je n’hésite pas à m’exprimer et tant pis pour les fautes, le principal étant d’établir la communication et de se faire comprendre. Les français.es grandissent dans un système éducatif ou l’apprentissage des langues est souvent laborieux de par les méthodes employées et l’évaluation utilisée pour qualifier un niveau. Ainsi ce comportement qui semble présomptueux cache un manque de confiance en soi à prendre avec la plus grande des délicatesses.

Les apparrences sont souvent trompeuses 🙂

Pour conclure en beauté cette analyse extrêmement scientifique et nombriliste sur quelqu’uns de nos comportements les moins glorieux, je dirais que si les français.es ont beaucoup de défauts, le fait d’être snob n’en fait pas parti (sauf pour les parisien.nes bien sûr). C’est vrai, on est froid, on râle et on débat trop et ça peut nous faire passer pour d’inconditionnel.le.s vaniteux.ses ! Mais si on s’attarde sur la question, on se rend compte que ces attitudes cachent des motivations qui n’ont rien à voir avec une prétention à se penser supérieur aux autres. La peur, celle de perdre ses acquis, de ne pas être à la hauteur, ou tout simplement de déranger son voisin nos amène à paraitre pour plus stronzo que ce que nous sommes réellement. Heureusement, comme il serait légèrement réducteur d’utiliser la nationalité comme seul facteur explicatif du comportement social d’un groupe d’individus, les particularités de chacun.e en permettent l’accentuation ou l’atténuation !

Commentaires

  1. Ça y est, j’ai remis mon article sur Romain Duriset Casse-tête Chinois en ligne. Hésite pas à le lire, si tu veux 😀

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