Je suis partie vivre en Italie dans le but acquérir une expérience professionnelle à l’étranger. Nous sommes nombreux.euses à ressentir le besoin de l’expatriation en pensant que l’herbe du voisin sera plus verte. Pourtant, tout départ comprend des sacrifices et il ne faut pas s’attendre à trouver un monde parfait dès son arrivée (Ni après d’ailleurs.). Retour sur quelques unes de mes expériences positives comme négatives lors de cette mobilité professionnelle…
Repartir de 0… ou -1
Concernant le travail, le fait de partir à l’étranger mais en règle générale changer de ville ou même simplement d’entreprise est un véritable challenge qu’il ne faut pas sous-évaluer. Toute la confiance que vous avez durement gagnée auprès de votre entourage professionnel pour obtenir que l’on vous considère comme fiable et compétent.e est à reconstruire. Toutes les règles sociales invisibles régissant le quotidien d’une l’entreprise est à réapprendre. Ainsi, s’il allait de soi que chez « Tafdemerde1 » « on ne parle pas au/ à la chef.fe avant son café », « on complimente Mr X sur son chat si on veut s’en faire un allié » chez « Tafdemerde2 » ça sera peut-être tout l’inverse ou en tout cas complètement différent. Il faut repartir de zéro voir, comme dans mon cas, de -1. Ma destination étant un pays dont je ne connaissais ni la langue ni la culture, il aurait été difficile de prétendre à un quelconque poste à responsabilité. Je suis passée de responsable d’un service avec à ma charge la gestion d’événements et de projets à… la rédaction de mails pour le compte de mon chef. Si la situation n’a pas duré, il ne faut tout de même savoir prendre son mal en patience et mettre sa fierté au placard quelques mois.
Des études qui n’ont pas la même valeur partout
Quand j’étais en France et que l’on me demandait quelles études j’avais faite, répondre « sciences politiques » faisait toujours son petit effet. Mais en Italie, c’est une toute autre réalité. La filière « Science politique » est considérée par beaucoup comme peu prestigieuse et surtout l’apanage des étudiant.e.s peu sérieux.euses. Ainsi, le même cursus me porte à être jugée de manière complètement diverse selon le pays. Si j’étais quasiment la future élite dans un cas, je devenais la feignante un peu trop souvent défoncée dans l’autre (ceci dis, aucune de ces deux options ne se rapproche de la réalité). Par ailleurs, la concurrence est rude pour les jeunes italien.ne.s et il n’est pas rare de voir des Bac + 5 sans emploi ou occuper des postes précaires et sans rapport avec leurs études.
Adieu la protection au travail à la française
Un élément est fondamentalement plus compliqué à gérer dans le monde du travail italien : le fait d’être jeune… et donc généralement précaire. Non pas que la France soit un pays extrêmement ouvert à la nouveauté et que le discours du « cette jeunesse qui ne vaut rien » n’y trouve pas quelques fervent.e.s défenseurs.euses mais disons qu’en comparaison avec la situation italienne on peut s’estimer chanceux.euses. En partant, j’ai mieux compris nos privilèges et aussi pourquoi on est considéré comme des râleurs.euses jamais content.e.s. Le RSA, les APL, l’assurance chômage, les contrats aidés… Tous ces dispositifs dont on se plaint si souvent mais qui sont tellement utiles et qui n’existent pas en Italie. En tant que jeune, nous sommes très souvent en première ligne face au risque de chômage et la situation est d’autant plus compliqué quand on ne peut plus compter sur ce type de coup de pouce. En partant, j’ai donc du adopter un niveau de vie plus bas que celui auquel j’étais habitué, et la perte d’emploi est devenue inenvisageable.
La précarité des jeunes italien.ne.s
En Italie, un.e jeune sans emploi ne reçoit généralement aucune aide financière et lorsqu’il ou elle travaille, il n’est pas rare de la/le voir cumuler deux emplois pour arriver à s’en sortir financièrement. Si j’ai de nombreu.ses.x ami.e.s en France qui, à 28 ans, ont un CDI, une maison et des enfants, je n’en connais aucun dans mon environnement italien. La précarité de l’emploi oblige à rester plus longtemps chez ses parents et donc à se projeter dans une vie indépendante plus tard. (Sans vouloir faire de l’étude sociologique de caniveaux, j’imagine bien un certain rapport avec le taux de natalité du pays, un des plus bas de l’Union Européenne.) Cette réalité amène à laisser peu de place aux jeunes, qui sont souvent peu considéré dans le monde du travail. Ainsi, en France, être chef.fe ou se voir confier des responsabilités à moins de 30 ans me semble être plus fréquent qu’en Italie. A Crémone, j’ai souvent eu l’impression d’être traité comme la stagiaire de 3ème par mes supérieurs du fait de monde âge, pourtant plus si jeune, et j’étais choquée de m’apercevoir que cela n’était rien d’autre qu’une normalité pour tous jeunes évoluant dans cet environnement.
Du positif please !
Mais en bonne française que je suis, ma grande capacité à me plaindre de tout ne doit pas faire oublier les côtés positifs de l’expatriation ! Premièrement, si vous partez dans un pays non-francophone, l’apprentissage d’une nouvelle langue est extrêmement enrichissant. Plus qu’une seule compétence linguistique, elle vous ouvre la porte à la compréhension de votre culture d’accueil et donc à une nouvelle manière de penser et concevoir le monde. Par ailleurs, si vous partez dans un pays sans être bilingue, vous aurez sans doute la chance de pratiquer aussi bien la langue du pays que l’anglais, ce qui fera de vous un « quasi-trilingue » sans trop d’efforts !
Plus d’ouverture d’esprit… pour plus de compétences
Enfin, se confronter à une organisation du travail différente permet de mieux comprendre ses propres limites et de les dépasser. En Italie, l’organisation et la planification du travail est beaucoup plus souple que celle que j’avais connue jusque-là et j’ai pu apprendre que, si j’avais pour règle de programmer au moins un an à l’avance l’organisation d’un projet il est possible de le penser avec beaucoup moins d’anticipation sans que cela soit un désastre. L’adaptabilité est le maître mot pour trouver sa place dans le monde du travail tel que je le l’ai vécu en Italie et devoir l’appliquer quotidiennement m’a changée, en mieux !