Chose promise (depuis un moment…) chose due ! Je vous raconte dans cet article l’histoire improbable de mon enlèvement par l’armée en Autriche.
Accrochez-vous, l’histoire est longue…
Avant – propos : Ayant signé des documents de confidentialité concernant cette expérience, je reste flou sur tout ce qui peut rendre identifiable l’organisation dont je parle.
Tout commence par un entretien pour un job pas comme les autres :
A l’époque de l’anecdote, je cherchais à partir travailler dans l’humanitaire. La concurrence y est grande et il n’est pas facile d’y faire sa place. Je multipliais donc les candidatures auprès de toutes les structures que je trouvais sur internet.
Un beau jour après des mois d’envoi de candidatures sans retour, une structure a fini par me répondre et me proposer un entretien… Mais pas n’importe quel entretien ! Il s’agissait d’une série d’évaluations s’étalant sur une semaine entière en Autriche. L’organisme est réputée, le transport, l’hébergement et la nourriture sur place sont pris en charge : Je n’ai pas hésité et j’ai dit oui !
Très enthousiaste et en même temps très stressée par une semaine qui s’annonçait intense, je me suis embarquée dans une expérience que je n’étais pas prête d’oublier…
Des évaluations sous pression :
Dès le début de la semaine d’évaluation, je comprends que ce sera difficile. Les candidat.e.s, une 50aine de personnes, doivent suivre en groupe des enseignements spécifiques pouvant nous servir dans le cadre de nos missions humanitaire en étant en permanence surveillé par deux « observateurs ». Ils doivent apprécier notre comportement social, notre compréhension des sujets, nos atouts et nos faiblesses.
Si se sentir épié toute la journée par ces individus silencieux n’aide pas à se relaxer, ça n’est pas tout. Nous sommes dans le même groupe plusieurs concurrent.e.s sur les mêmes postes et bien évidemment un.e seul.e sera retenu… L’organisme nous évaluant étant très prisée, la tension est à son comble !
La semaine se poursuit et des professionnel.le.s de tout type travaillant dans l’humanitaire se succèdent pour nous délivrer leurs enseignements.
Lors d’une des présentations, nous recevons la visite de plusieurs militaires. Ils sont venus nous parler des risques que l’on encoure à travailler dans certaines zones de conflits et à comment s’en protéger.
Bizarrement, les intervenants mettent l’accent sur l’attention que les femmes doivent porter à leur comportement. On nous demande de savoir rester discrètes, d’éviter les talons et les mini-jupes dans certaines zones à risques…
Mais est-ce vraiment la première chose que tu penses à emporter dans ta valise pour aller travailler dans des zones de conflits ? Des mini-jupes et des talons hauts ?!
Je fais remarquer que l’accent est un peu trop mis sur les femmes et qu’on nous prend un peu pour des idiotes. Est-ce que cette remarque a déplus ? Sans doute, comme vous le verrez par la suite.
Enlèvement en Autriche, rançon et séquestration :
Nous sommes l’après-midi, notre petit groupe se dirige à pied vers le lieu de l’évaluation du jour. (A noter que nous logions dans un village isolé et que nous circulions sur des routes de campagne désertes.)
Tout à coup, nous entendons des coups de feu et des hurlements. Je tourne la tête et j’aperçois derrière mois une dizaine d’hommes habillés en tenue militaire, mitraillette à la main, nous foncer dessus. Ils nous ordonnent de nous mettre à terre, ce que nous nous empressons de faire. Très rapidement, nous nous retrouvons tou.te.s les mains liés dans le dos et les yeux bandés. Puis, je sens que je suis tirée par le bras par quelqu’un qui se met à courir, m’entrainant sans ménagement avec lui. Je cours également mais je trébuche et me retrouve trainée à terre à plusieurs reprises. Ca n’inquiète pas pour autant la personne qui m’entraîne avec elle et continue sa course sans s’arrêter. Au bout d’un certain moment nous nous stoppons et on m’agenouille avec pour ordre de rester immobile.
Si je ne vois rien et je n’ai aucune idée d’où nous sommes, je sens la présence essoufflé à mes côtés d’autres de mes compagnon du groupe.
Un homme fini par me délier les mains et me débander les yeux et m’ordonne de faire les poches de mes amis, agenouillées les un.e.s à côté des autres. On me rebande ensuite les yeux pour venir me plaquer les mains en avant sur le capot d’une voiture. J’entends des hurlements de femmes et d’hommes et des coups. Je reste néanmoins immobile dans cette position plus qu’inconfortable.
Libération et révélation :
Si je ne peux ni bouger ni voir, j’entends que les négociations pour notre libération s’engagent. Ils enregistrent une vidéo de demande de rançon. Au bout d’un moment, les militaires décident la libération du groupe mais on me place à part. Les hommes armés veulent que je rester au camp et on m’emmène dans une tente pour me demander de leur préparer à manger. J’entends à nouveau des coups de feu : tout le monde est libéré, je suis la seule à rester prisonnière…. Mais pas pour longtemps.
Quelques minutes passent et tout s’arrête. Les militaires changent de ton pour m’annoncer la fin du « test » grandeur nature d’enlèvement et séquestration par un groupe armée dissident.
Je me relève et j’ai du mal à réaliser ce qu’il vient de se passer. Je découvre quelques bleus et égratignures, occasionnés lorsque les militaires nous ont trainés à terre pour nous ramener sur leur camp. Ils sont la confirmation que toute cette histoire insensée était donc bien réelle.
Je suis une « grey person » :
A la suite de cette absurde aventure, nous avons été reçus par un psychologue de l’armée qui nous explique que tout ceci n’était qu’un « test » que mon groupe a su passer avec succès. Les militaires avaient pour mission de nous faire subir un enlèvement. Ils devaient nous confronter à un environnement déstabilisant et violent en nous faisant perdre tous nos repères. Les cris et coups que nous avions entendus étaient feints afin de voir comment nous réagissions au stress. Nous avons tout de même était traités sans ménagement pour plus de « réalisme ».
Il nous demande comment nous nous sentons, avant de nous donner son avis sur nos « réactions ». C’est ainsi que je fus qualifiée de « grey person » ou « personne grise ».
Alors que ça peut parait à priori une insulte, dans ces cas-là, il s’agit en fait d’un très bon compliment !
La « grey person » serait l’individu qui a su adopter le comportement parfait pour survivre face à des personnes violentes.
Ni trop soumise, ni trop rebelle, elle sait ne pas se faire remarquer pour mieux se faire oublier ! Et c’est vrai que dans ces cas-là, c’est mieux !
Mon avis sur ce type de procédé de recrutement :
J’ai encore aujourd’hui du mal à comprendre pourquoi opter pour de telles mesures pour un recrutement. Même dans le secteur humanitaire. Si c’est pour évaluer notre capacité à bien réagir en situation extrême, je ne suis pas sûre que ça soit efficace. En effet, même si l’enlèvement nous a pris au dépourvu, nous nous doutions qu’il s’agissait d’un test faisant parti du recrutement. Il ne garantit en rien qu’en situation réel nous ne paniquions pas.
J’y vois éventuellement un intérêt pour nous faire réaliser « ce que l’on risque » en postulant dans l’humanitaire. Le fait de se retrouver malmené, même pour un court moment et dans un cadre que l’on pressant fictif peut aider à se rendre compte de ce que pourrait être la réalité dans notre nouvel emploi.
Mais cela justifie-t-il le coût que j’imagine engendre ce type de mise en scène à taille réelle ?
Je n’en suis pas sûre.
Par ailleurs, je pense que ma remarque sur le sexisme des membres de l’armée lors de leur présentation m’a valu ma « punition » lors du test et donc d’être « renvoyée » avec plaisir par les intervenants au rôle de femme au foyer. Et ça, c’est pas plutôt limite…
Alors, vous attendiez-vous à ça ? Qu’avez-vous pensé de mon improbable enlèvement par l’armée en Autriche ?
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